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l’empereur que le mérite en revenait à Koutouzov. Ce même Tchitchagov, le premier, rencontra Koutouzov à Vilna près du château où celui-ci devait loger. Tchitchagov, en uniforme de marin avec le coutelas, son bonnet sous le bras, remit à Koutouzov le rapport de service et les clefs de la ville. Le mépris respectueux de la jeunesse envers le vieillard ayant perdu la raison s’exprimait au plus haut degré dans ce rapport de Tchitchagov qui connaissait déjà les accusations lancées contre Koutouzov.

En causant avec Tchitchagov, Koutouzov, entre autres choses, lui dit que les voitures de vaisselle prises chez lui à Borissov étaient sauvées et lui seraient rendues.

C’est pour me dire que je n’ai pas sur quoi manger. Je puis au contraire vous fournir de tout dans le cas même où vous voudriez donner des dîners, prononça Tchitchagov en s’emportant et désirant par chaque parole prouver son droit et faire entendre que Koutouzov était non moins soucieux du sien.

Koutouzov sourit de son sourire fin, intelligent et, en haussant les épaules, répondit : Ce n’est que pour vous dire ce que je vous dis.

À Vilna, Koutouzov, contrairement à la volonté de l’empereur, arrêta la plus grande partie des troupes, et, d’après son entourage, il se fatigua extraordinairement et s’affaiblit physiquement du-