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degré, Koutouzov s’en apercevait mais ne faisait qu’en soupirer et hausser les épaules. Une seule fois seulement, après la Bérésina, il se fâcha et écrivit à Benigsen qui faisait des rapports particuliers à l’empereur :

« À cause de l’état précaire de votre santé, veuillez, Votre Haute Excellence, à la réception de la présente, aller à Kalouga et attendre là-bas les ordres ultérieurs et la nomination de Sa Majesté impériale. »

Mais après le départ de Benigsen, le grand-duc Constantin Pavlovitch qui avait fait le commencement de la campagne et que Koutouzov avait renvoyé, revint à l’armée. Il fit part à Koutouzov du mécontentement de l’empereur pour les succès médiocres de nos troupes et la lenteur du mouvement et dit que l’empereur avait l’intention de rejoindre incessamment l’armée en personne.

Le vieillard aussi expérimenté dans les affaires de cour que dans celles de la guerre, Koutouzov qui, au mois d’avril de la même année, contre la volonté de l’empereur, avait été choisi pour commander l’armée, lui qui avait renvoyé de l’armée le grand-duc héritier, qui, contre la volonté de l’empereur, avait abandonné Moscou, ce Koutouzov comprit aussitôt que son temps était fini, que son rôle était joué et qu’il n’avait plus le pouvoir imaginaire, et il ne le comprit pas seulement par les seuls rapports de la cour. D’un côté il voyait que