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se tenaient les groupes les plus nombreux. Deux sous-officiers s’étaient installés dans leur voisinage et leurs bûchers brûlaient plus vivement que les autres : ils avaient exigé, pour le droit d’être assis près d’eux, qu’on apportât du bois.

— Hé ! là ! Makéiev !… Qu’est-ce que tu fais ? Tu es disparu ? Les loups t’ont mangé ? Apporte du bois ! cria un soldat au visage rouge, les cheveux roux, qui se frottait les yeux à cause de la fumée, mais ne s’éloignait pas du feu.

— Va, au moins, toi, Corbeau ! Apporte du bois, dit-il à un autre.

Le roux n’était ni sous-officier, ni maréchal des logis mais un soldat très fort, c’est pourquoi il commandait aux plus faibles que lui. Le soldat maigre de petite taille, au nez pointu, qu’on appelait le Corbeau, se leva docilement pour exécuter l’ordre. Mais à ce moment, dans la lumière des bûchers, se montrait un jeune soldat, joli garçon, qui portait un fagot de bois.

— Apporte ici ! Voilà qui est bien !

Des soldats cassèrent le bois, l’entassèrent, soufflèrent avec leurs bouches et les pans de leurs manteaux et le feu jaillit et crépita. Des soldats vinrent y allumer leurs pipes. Le jeune soldat qui avait apporté le bois posa ses mains sur ses hanches et, rapidement, se mit à battre la semelle.

— Ah ! petite mère, la rosée est gelée !… chantait-il, et, à chaque syllabe, il semblait hoqueter.