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Il se tut et regarda autour de lui :

— Incline ! Incline-le, dit-il au soldat qui tenait l’aigle française, et, par hasard, l’abaissait devant le régiment Préobrajenski. Plus bas, plus bas ! Comme cela ! Hourra, mes enfants ! prononça-t-il avec un mouvement rapide du menton en s’adressant aux soldats.

— Hourra !… hurlèrent des milliers de voix.

Pendant que les soldats criaient, Koutouzov, couché sur sa selle, inclinait la tête, et son œil, s’éclairant d’une lumière douce, devenait un peu moqueur.

— Voilà, mes enfants ! fit-il quand les voix se turent.

Et tout d’un coup, sa voix et l’expression de son visage changèrent. Le commandant en chef cessait de parler. C’était maintenant un vieillard simple qui, évidemment, désirait communiquer la chose la plus nécessaire maintenant à ses camarades.

Dans la foule des officiers et dans les rangs des soldats se produisit un mouvement pour mieux entendre ce qu’il allait dire.

— Voilà, mes enfants ; je sais que c’est dur pour vous, mais que faire ? Patientez un peu, il n’y en a plus pour longtemps. Nous reconduirons nos hôtes et alors nous nous reposerons. Pour votre service, le tsar ne vous oubliera pas ! C’est pénible, mais cependant vous êtes chez vous, et eux, re-