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Mais ce même homme qui négligeait tant ses paroles, pas une seule fois durant toute son activité ne dit un seul mot qui fût en désaccord avec ce but unique vers lequel il marcha tout le temps de la campagne.

Évidemment malgré lui, avec la pénible certitude de n’être pas compris, plusieurs fois, en diverses circonstances, il exprima sa pensée : De la bataille de Borodino, d’où date son désaccord avec son entourage, lui seul disait que la bataille de Borodino était la victoire et le répéta, jusqu’à sa mort, dans ses rapports et ses relations. Lui seul dit : la perte de Moscou n’est pas la perte de la Russie. En réponse aux propositions de paix faites par Lauriston, il répondit : la paix ne peut être, car telle est la volonté du peuple. Lui seul pendant la retraite des Français disait que toutes nos manœuvres n’étaient pas nécessaires, que tout se ferait de soi-même, mieux que nous le désirions ; qu’il faudrait donner à l’ennemi un pont d’or, que les batailles de Taroutino, Viazma et Krasnoié n’étaient pas nécessaires ; qu’il ne donnerait pas un seul Russe pour dix Français.

Et lui seul, ce courtisan ainsi qu’on nous le représente, cet homme qui ment à Araktchéiev pour plaire à l’empereur, lui seul à Vilna, gagnant la défiance de l’empereur, dit qu’il est nuisible et inutile de poursuivre la guerre à l’étranger.

Mais les mots seuls ne pourraient prouver qu’il