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raître, demandait une sorte de blessure physique ; quand elle fut cicatrisée, quand elle sembla effacée, la blessure morale se cicatrisa aussi par la force de la vie cachée à l’intérieur.

C’est ainsi que guérit la blessure de Natacha. Elle croyait sa vie terminée, mais tout à coup, l’amour pour sa mère lui montrait que l’essence de sa vie, l’amour, était encore vif en elle. L’amour s’éveillait, et avec lui la vie.

Les derniers jours du prince André avaient rapproché Natacha de la princesse Marie, le nouveau malheur les unit encore plus. La princesse Marie qui avait ajourné son départ à trois semaines soignait Natacha comme un enfant malade : la dernière semaine qu’avait passée Natacha près de sa mère avait anéanti ses forces physiques.

Une fois, au milieu de la journée, la princesse Marie remarqua que Natacha tremblait de fièvre, elle l’emmena dans sa chambre et la fit coucher dans son lit. Natacha se coucha, mais quand la princesse Marie, après avoir baissé les stores, voulut se retirer, Natacha l’appela.

— Je ne veux pas dormir, Marie, reste avec moi.

— Tu es fatiguée, tâche de t’endormir.

— Non, non. Pourquoi m’as-tu emmenée, elle me demandera.

— Elle va beaucoup mieux, elle a parlé aujourd’hui si raisonnablement, dit la princesse Marie.