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pour donner libre cours aux sanglots qui l’étouffaient.

En apercevant Natacha, il fit un signe désespéré de la main et éclata en sanglots maladifs qui déformaient son visage rond, morne.

— Pé… Pétia… va… va… elle… t’appelle…

En sanglotant comme un enfant, il s’éloigna aussi vite que le lui permettaient ses jambes faibles, s’approcha d’une chaise, y tomba et cacha son visage dans ses mains.

Tout à coup, une sorte de choc électrique traversa Natacha tout entière. Quelque chose la frappait violemment au cœur. Elle sentit un mal horrible. Il lui sembla que quelque chose venait de se briser en elle, qu’elle allait mourir. Mais après la souffrance, elle se sentit délivrée de la défense de vivre qui pesait sur elle. À la vue de son père, aux cris effrayants de sa mère qu’elle entendait à travers la porte, elle oublia instantanément elle-même et sa douleur. Elle courut vers son père. Lui, agitant faiblement la main, montra la porte de la chambre de sa femme. La princesse Marie, pâle, les lèvres tremblantes, sortit de la porte, prit la main de Natacha et lui murmura quelques mots. Natacha ne voyait rien, n’entendait rien. À pas rapides elle franchit la porte, s’arrêta un moment semblant en lutte avec elle-même et courut vers sa mère.

La comtesse, allongée sur sa chaise, se crispait gauchement, étrangement et se frappait la tête