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hommes restés dans les hôpitaux et les tombeaux ne les intéressent même pas parce qu’ils n’entrent pas dans leur étude.

Et cependant, il suffit de se détourner de l’étude des rapports et des plans généraux, d’aborder le mouvement de ces centaines de mille hommes qui prirent une part directe et immédiate à l’événement, pour que toutes les questions qui semblaient autrefois insolubles, reçoivent facilement, simplement, une solution indiscutable.

Le but de couper la route à Napoléon et à son armée n’exista jamais que dans l’imagination d’une dizaine d’hommes. Il ne pouvait exister parce qu’il était insensé et inaccessible. Le but du peuple était de délivrer sa terre de l’invasion. Ce but a été atteint, premièrement de soi-même : puisque les Français s’enfuyaient, il n’y avait qu’à ne pas arrêter leur mouvement ; deuxièmement, par les actions de la guerre nationale qui décimait les Français, et, troisièmement, parce qu’une forte armée russe suivait pas à pas les Français, prête à employer la force en cas d’arrêt de leurs troupes.

L’armée russe devait agir comme un fouet sur l’animal qui court, et les stimulateurs les plus experts savent que le plus avantageux c’est de tenir le fouet soulevé, menaçant, et non de frapper sur la tête l’animal qui court.