Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol11.djvu/61

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

vert de la capote, mais il n’y a plus ni la loge, ni le bienfaiteur. Il ne reste que des idées exprimées clairement par des paroles, des idées émises par quelqu’un ou que Pierre lui-même conçoit.

Plus tard, en se rappelant ces idées, quoiqu’elles eussent été provoquées par les événements de la journée, Pierre était convaincu qu’elles émanaient de quelqu’un étranger à lui : jamais, lui semblait-il, il n’aurait pu, en l’état de veille, concevoir et exprimer ces pensées.

« L’œuvre la plus difficile, c’est la soumission de la liberté de l’homme aux lois de Dieu, disait la voix. La simplicité, c’est l’obéissance à Dieu. De lui on ne s’écartera pas. Et eux sont simples.

« Ils ne parlent pas mais agissent. La parole prononcée est d’argent, la parole non prononcée est d’or. L’homme ne peut rien prononcer tant qu’il a peur de la mort. Et qui n’a pas peur d’elle, à celui-là tout appartient. Sans les souffrances l’homme ne se connaîtrait pas. Le plus difficile, continuait, en rêve, à penser, ou à écouter Pierre, consiste à savoir réunir en son âme la signification de tout. « Réunir tout ! se dit Pierre. Non, pas unir, on ne peut réunir des idées, mais on peut mettre d’accord toutes ses idées, voilà ce qu’il faut ! Oui, il faut mettre d’accord. Il faut mettre d’accord ! » se répétait Pierre avec enthousiasme, sentant que précisément par ces paroles, et seulement par elles, s’exprimait tout ce qu’il voulait exprimer et que