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VIII

Presque à la fin de la bataille de Borodino, Pierre, abandonnant pour la deuxième fois le mamelon de Raïevsky, se dirigea, avec une foule de soldats, à travers bois, à Kniazkovo, et atteignit l’ambulance. Mais, en apercevant le sang, en entendant les cris et les gémissements, il s’empressa de partir plus loin en se mêlant aux soldats. De toutes les forces de son âme, Pierre ne désirait maintenant qu’une seule chose : sortir le plus vite possible de l’horrible impression dans laquelle il avait passé ce jour, retourner aux conditions habituelles de la vie et s’endormir tranquillement dans sa chambre, sur son lit. Il sentait que seulement dans les conditions ordinaires de la vie il pourrait comprendre tout ce qu’il avait vu et éprouvé. Mais ces conditions ordinaires de la vie lui faisaient défaut.

Sur la route qu’ils suivaient ne sifflaient plus les balles et les boulets, mais c’était de tous côtés la