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parce qu’elle portait en soi les germes inévitables de sa perte.

Pourquoi cette armée, qui trouve d’abondantes provisions à Moscou, qui ne peut les garder et les foule aux pieds, pourquoi cette armée, en arrivant à Smolensk, ne distribue-t-elle pas des provisions, mais les gâche-t-elle ! Comment cette armée pouvait-elle se fortifier dans la province de Kalouga, peuplée des mêmes Russes qu’à Moscou et avec la même propriété du feu de détruire tout ?

Nulle part l’armée ne pouvait se réparer. Depuis la bataille de Borodino et le sac de Moscou, elle portait en soi des conditions internes de décomposition.

Les soldats de cette ci-devant armée couraient avec leurs chefs, ne sachant et ne désirant (Napoléon comme chaque soldat) qu’une chose : sortir le plus vite possible de cette situation désespérée dont tous, bien que vaguement, se rendaient compte.

C’est pourquoi, à Malo-Iaroslavitz, où les généraux feignirent de tenir conseil, cette opinion d’un soldat naïf, Mouton, résumant ce que tous pensaient : qu’il faut seulement s’enfuir le plus vite possible, cette opinion ferme toutes les bouches et personne, même Napoléon, ne pouvait rien dire contre cette vérité reconnue par tous. Mais bien que tous reconnussent qu’il fallait s’en aller, il restait encore la honte de la conscience de la nécessité de s’enfuir et il fallait un choc extérieur pour vaincre cette