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Ober Chalmet, qui était le centre de toute la société française de Moscou, et, sans aucune cause, ordonnait d’arrêter et de déporter le vieux et respectable directeur des postes, Klutcharov, tantôt assemblait le peuple pour aller aux Trois Montagnes se battre contre les Français, tantôt, pour se débarrasser de ce même peuple, lui jetait en proie un homme et sortait lui-même par les portes de service, tantôt disait qu’il ne supporterait pas les malheurs de Moscou, tantôt écrivait dans des albums des vers français sur sa participation à cette affaire[1], cet homme ne comprenait pas l’importance de l’événement qui s’accomplissait, mais il voulait faire quelque chose, étonner quelqu’un, jouer un rôle quelconque, patriotique, héroïque, et, comme un gamin, il s’amusait de l’événement formidable et fatal de l’abandon et de l’incendie de Moscou, et de sa faible main tâchait tantôt d’encourager, tantôt de retenir l’énorme courant du peuple qui l’emportait avec lui.

  1. Je suis de naissance tatare,
    Je voulus me montrer Romain.
    Les Français m’appellent barbare
    Et les Russes — Georges Dandin