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et son précepteur, la vieille bonne, trois femmes de chambre, Tikhone, un jeune valet et le heiduque cédé par sa tante partaient avec elle. On ne pouvait songer à suivre la voie ordinaire par Moscou et le détour que la princesse Marie devait faire par Lipetzk, Riazan, Vladimir, Schua, était très long parce qu’il n’y avait pas partout des chevaux de postes ; la route était très difficile et, près de Riazan (où, disait-on, se montraient des Français), elle était même dangereuse.

Pendant ce difficultueux voyage, mademoiselle Bourienne, Desalles et les domestiques de la princesse Marie furent étonnés de son énergie et de son activité. Elle se couchait la dernière et se levait la première ; aucun obstacle ne pouvait l’arrêter. Grâce à son activité et à son énergie qui excitaient ses compagnons de voyage, au bout de la deuxième semaine ils s’approchaient de Iaroslav.

Les derniers temps de son séjour à Voronèje avaient été pour la princesse Marie les meilleurs de sa vie. Son amour pour Nicolas Rostov ne la tourmentait plus, ne l’émotionnait plus. Cet amour remplissait toute son âme, devenait partie d’elle-même, et elle ne luttait plus contre lui. Ces derniers temps, la princesse Marie s’était convaincue — sans jamais se le dire nettement — qu’elle aimait et était aimée. Elle s’en était convaincue à sa dernière entrevue avec Nicolas, quand il était venu lui annoncer que son frère était avec les Ros-