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amener au but désiré, c’est-à-dire à l’accusation. Aussitôt qu’ils commençaient à dire quelque chose qui ne correspondait pas au but de l’accusation, on ôtait les tuyaux, et l’eau pouvait couler où il lui plaisait. En outre, Pierre éprouvait ce qu’éprouve l’accusé devant n’importe quel tribunal : pourquoi me pose-t-on toutes ces questions ? Il lui semblait qu’on faisait cela seulement par indulgence, ou par une sorte de politesse. Il se savait entre les mains de ces hommes, il savait que le pouvoir seul l’amenait ici, que le pouvoir seul leur donnait le droit d’exiger des réponses aux questions, que l’unique but de cette assemblée était de l’accuser ; or, du fait de ce pouvoir et de ce désir de l’accuser, il n’était plus besoin d’interrogatoire ni de tribunal. Il était évident que toutes les réponses devaient conduire à la culpabilité. À cette question : « Que faisiez-vous quand on vous a arrêté ? » Pierre répondit, avec un certain air tragique, qu’il portait à ses parents un enfant qu’il avait sauvé des flammes.

— Pourquoi vous battiez-vous avec le maraudeur ?

Pierre répondit qu’il défendait une femme, que c’est le devoir de chacun de défendre une femme, que… On l’interrompit : cela n’avait pas de rapport à l’affaire.

— Pourquoi étiez-vous dans la cour de la maison incendiée où des témoins vous ont vu ?