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La princesse Marie avait produit sur lui, à Smolensk, une impression agréable. Le fait de la rencontrer alors dans des conditions si particulières, et cette circonstance que pendant longtemps sa mère la lui avait montrée comme un riche parti, firent qu’il la regarda avec une attention spéciale.

Pendant son séjour à Voronèje, cette impression était non seulement agréable mais très vive. Il était frappé de cette beauté morale, particulière, que cette fois il remarquait en elle.

Cependant il devait quitter Voronèje et il ne pensait pas à regretter de perdre ainsi l’occasion de voir la princesse Marie. Mais sa rencontre d’aujourd’hui dans l’église lui avait causé une émotion plus profonde qu’il ne le prévoyait et le désirait pour la tranquillité de sa vie. Ce visage fin, pâle, triste, ce regard rayonnant, ces mouvements gracieux, et principalement cette tristesse profonde et tendre exprimée dans tous ses traits, le troublaient et l’attiraient.

Chez les hommes, Rostov ne supportait pas l’expression de la vie supérieure, spirituelle (c’est pourquoi il n’aimait pas le prince André), il appelait cela, avec mépris, philosophie, rêverie, mais, en la princesse Marie, précisément dans cette tristesse qui exprimait toute la profondeur de ce monde spirituel étranger pour Nicolas, il sentait un attrait irrésistible.