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Le capitaine était si gai, si naïf, si content de soi que Pierre faillit lui-même cligner les yeux de plaisir en le regardant. Probablement que le mot « galant » le fit penser à la situation de Moscou.

À propos, dites donc, est-ce vrai que toutes les femmes ont quitté Moscou ? Une drôle d’idée ! Qu’avaient-elles à craindre ?

Est-ce que les dames françaises ne quitteraient pas Paris si les Russes y entraient ?

Ah ! ah ! ah ! Le Français éclata d’un rire joyeux et tapa Pierre sur l’épaule. Ah ! elle est forte, celle-là. Paris ? Mais Paris, Paris…

Paris, la capitale du monde… dit Pierre en achevant sa pensée.

Le capitaine regarda Pierre. Il avait l’habitude, au milieu de la conversation, de s’arrêter et de regarder son interlocuteur avec des yeux riants et tendres.

Eh bien, si vous ne m’aviez pas dit que vous êtes Russe, j’aurais parié que vous êtes Parisien. Vous avez ce je ne sais quoi… Et ayant dit ce compliment il regarda de nouveau en silence.

J’ai été a Paris ; j’y ai passé des années, dit Pierre.

Oh ! ça se voit bien. Paris !… Un homme qui ne connaît pas Paris est un sauvage. Un Parisien, ça se sent à deux lieues. Paris, c’est Talma, La Duchénois, Polier, la Sorbonne, les boulevards, et remarquant que sa conclusion était plus faible que les