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balayé depuis la mort de Joseph Alexiévitch, était encore plus sombre.

Guérassime ouvrit un volet et sortit sur la pointe des pieds. Pierre parcourut le cabinet de travail, s’approcha de l’armoire aux manuscrits, prit une des choses les plus importantes de l’ordre : C’étaient les actes originaux écossais avec les notes explicatives du bienfaiteur. Il s’assit devant la table à écrire couverte de poussière, y posa le manuscrit, l’ouvrit, le referma et enfin, le repoussant, il appuya sa tête dans ses mains et devint pensif. Plusieurs fois, Guérassime jeta un regard discret dans le cabinet de travail et chaque fois vit Pierre dans la même position.

Plus de deux heures s’écoulèrent. Guérassime se permit de faire du bruit à la porte pour attirer l’attention de Pierre. Pierre ne l’entendit pas.

— Vous ordonnez de laisser partir le cocher ?

— Ah oui ! dit Pierre en se reprenant et se levant rapidement. Écoute, dit-il en prenant Guérassime par le bouton de son veston et regardant le petit vieux de haut en bas avec des yeux brillants, humides, enthousiastes : Écoute. Tu sais qu’il y aura une bataille demain ?

On le dit.

— Je te demande de ne dire à personne qui je suis, et fais ce que je te dirai…

— J’obéis. Voulez-vous ordonner de vous servir à manger ?