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s’approchaient de l’arc de la tour Soukharéva.

— Je jure que c’est Bezoukhov en cafetan, avec un vieux bonhomme quelconque. Je le jure. Regardez, regardez ! disait-elle.

— Mais non, ce n’est pas lui. Peut-on dire de pareilles bêtises !

— Maman, j’en donnerais ma tête à couper. Je vous jure que c’est lui. Attends ! Attends ! criat-elle au cocher. Mais le cocher ne pouvait s’arrêter parce que de la rue Mestchanskaïa paraissaient encore des charrettes et des voitures et que l’on criait aux Rostov d’avancer et de ne pas retarder les autres.

En effet, bien que beaucoup plus loin qu’auparavant, tous les Rostov aperçurent Pierre, ou un homme lui ressemblant extraordinairement, en cafetan de cocher, il montait la rue, la tête penchée, le visage sérieux, accompagné d’un petit vieux sans barbe, qui avait l’air d’un valet. Le vieillard remarqua le visage penché hors de la voiture, fixé sur lui, et, touchant respectueusement le coude de Pierre, il lui dit quelque chose en désignant la voiture. Pierre, assez longtemps, ne pouvait comprendre ce qu’il lui disait : il paraissait plongé dans ses pensées. Enfin, quand il comprit, il regarda dans la direction indiquée. Dès qu’il eut reconnu Natacha, s’abandonnant à la première impulsion, il se dirigea rapidement vers la voiture. Mais après avoir fait dix pas, se rappelant évidemment quelque chose, il s’arrêta.