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La comtesse était habituée à ce ton qui précédait toujours une affaire qui ruinait les enfants : construction d’une galerie, d’une serre, installation d’un théâtre, d’un orchestre. Elle y était habituée et regardait comme un devoir de contredire ce qui s’exprimait de cette voix craintive. Elle prit son air de soumission timide et dit à son mari :

— Écoute, comte, tu nous as conduits à ce point qu’on ne donne rien pour notre maison, et maintenant tu veux perdre aussi toute la fortune des enfants. Tu dis toi-même qu’il y a dans la maison pour cent mille roubles d’objets divers. Moi, mon ami, je ne consens pas du tout. Le gouvernement est là pour s’occuper des blessés. Il sait ce qu’il doit faire. Regarde en face, chez les Lapoukhine, encore avant-hier on a tout emporté. Voilà comment font les gens. Nous seuls sommes des sots. Si tu n’as pas pitié de moi, au moins aie pitié des enfants.

Le comte agita les mains et sortit sans mot dire.

— Papa, qu’y a-t-il ? lui demanda Natacha qui juste à ce moment entrait chez sa mère.

— Rien. Rien qui te regarde ! dit le comte irrité.

— Non, j’ai entendu, dit Natacha. Pourquoi maman ne veut-elle pas ?

— Qu’est-ce que cela te fait ? cria le comte. Natacha s’approcha de la fenêtre et devint pensive.

— Petit père, Berg vient chez nous, dit-elle en regardant à la fenêtre.