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ni pour la paix ! On dit que Barclay est le plus habile de tous, mais je ne le dirais pas à en juger par ses premiers mouvements. Et qu’est-ce qu’ils font ? Qu’est-ce qu’ils font tous ces courtisans ? Pfull propose, Harmfeld discute, Benigsen juge et Barclay appelé à agir ne sait quoi décider et le temps passe sans rien. Bagration seul est un militaire. Il est sot, mais il a de l’expérience, du coup d’œil et de la décision. Et quel rôle joue votre jeune empereur dans cette foule de nullités ? Ils le compromettent et rejettent sur lui la responsabilité de tout ce qui se commet. Un souverain ne doit être à l’armée que quand il est général, dit-il en voyant dans ces paroles une provocation : Napoléon savait quel grand désir avait Alexandre d’être un capitaine.

— Voilà déjà une semaine que la campagne est commencée et vous ne pouvez défendre Vilna. Vous êtes coupés en deux et chassés des provinces polonaises ; votre armée se révolte.

— Au contraire, Votre Majesté, dit Balachov qui avait peine à saisir ce qu’on lui disait et à suivre ce feu d’artifice de paroles, les troupes brûlent du désir…

— Je sais tout, interrompit Napoléon, je sais tout et je connais le nombre de vos bataillons aussi bien que les miens. Vous n’avez pas même deux cent mille hommes et moi j’en ai trois fois plus. Je vous donne ma parole d’honneur que j’ai cinq cent trente mille hommes de ce côté de la Vistule, dit