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en regardant sévèrement les assiettes qui se trouvaient devant Koutouzov. Il commença à rappeler au « vieux monsieur » la situation de l’affaire au flanc gauche, comme Barclay lui avait ordonné de le faire et comme lui-même l’avait vue et comprise.

— Tous les points de notre position sont aux mains de l’ennemi ; nous ne savons par qui le repousser parce qu’il n’y a pas de troupes ; elles fuient, et il est impossible de les arrêter.

Koutouzov cessa de mâcher, et, étonné, comme s’il ne comprenait pas ce qu’on lui disait, il fixait son regard sur Volsogen. Celui-ci, en remarquant l’émotion des alten Herrn[1] dit avec un sourire :

— Je ne me crois pas le droit de cacher à Votre Excellence ce que j’ai vu. Les troupes sont complètement désorganisées…

— Vous avez vu ? Vous avez vu ? s’écria Koutouzov en fronçant les sourcils, se levant rapidement et marchant sur Volsogen. — Comment, vous… Comment osez-vous… s’écria-t-il en faisant un geste menaçant de sa main tremblante, et tout suffocant. Comment osez-vous, monsieur, le dire à moi. Vous ne savez rien. Dites de ma part au général Barclay que ses renseignements sont faux, et que moi, général en chef, je connais mieux que lui la marche de la bataille.

  1. Du vieux monsieur.