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daigne pas préparer ses discours, convaincu qu’il dira toujours bien ce qu’il lui faut dire.

— Bonjour général, j’ai reçu la lettre de l’empereur Alexandre que vous avez apportée et je suis très heureux de vous voir. Il fixa ses grands yeux sur le visage de Balachov et aussitôt le dépassa du regard. Il était évident que la personne de Balachov ne l’intéressait nullement, et que ce qui se passait dans son âme avait seul de l’intérêt pour lui. Tout ce qui était en dehors n’avait, pour lui, aucune importance, parce que tout au monde, comme il lui semblait, ne dépendait que de sa volonté.

— Je ne désire pas et n’ai pas désiré la guerre, dit-il, mais on m’y forçait. Même maintenant (il accentua ce mot) je suis prêt à accepter toutes les explications que vous avez à me donner.

Et nettement, brièvement, il se mit à expliquer les causes de son mécontentement contre le gouvernement russe. À en juger par le ton modéré, calme, amical, de l’empereur français, Balachov était tout à fait convaincu qu’il désirait la paix et avait l’intention d’entrer en pourparlers.

Sire, l’empereur, mon maître, commença Balachov qui avait préparé son discours depuis longtemps, quand Napoléon, après avoir terminé, regarda interrogativement l’ambassadeur russe. Mais le regard de l’empereur, fixé sur lui, le rendit confus. « Vous êtes gêné, remettez-vous », semblait