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voyé. Balachov resta debout deux minutes en attendant. Des pas rapides se firent entendre derrière la porte. Les deux battants de la porte s’ouvrirent rapidement, tout devint silencieux et, du cabinet, on entendit d’autres pas fermes. C’était Napoléon. Il venait de terminer sa toilette pour sa promenade à cheval. Il portait un uniforme bleu, ouvert sur un gilet blanc qui couvrait son ventre rebondi ; une culotte blanche moulait ses cuisses courtes, grasses ; il était chaussé de hautes bottes. Les cheveux courts venaient évidemment d’être peignés, mais une mèche tombait au milieu de son front large. Son cou blanc, gras ressortait sur le col noir de son uniforme ; une odeur d’eau de Cologne émanait de sa personne. Son visage plein, à l’air jeune, au menton saillant, portait l’expression d’une bienveillance gracieuse et majestueuse.

Il entra, la tête un peu rejetée en arrière et chaque pas accompagné d’un mouvement nerveux. Toute sa personne courte, replète, avec des épaules larges et épaisses, le ventre proéminent, avait cet air représentatif qu’ont les hommes d’une quarantaine d’années qui vivent dans l’aisance. En outre, on voyait que ce jour-là il était de très bonne humeur.

Il hocha la tête en réponse au salut profond et respectueux de Balachov, et, en s’approchant de lui, il se mit aussitôt à parler comme un homme pour qui tous les instants sont précieux et qui ne