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rangs, sans même demander l’avis de Ney, de Davoust, de Murat, de Napoléon. Ils ne craignaient pas les punitions pour un ordre inexécuté, pour la désobéissance, parce que, dans la bataille, il s’agit de la chose la plus précieuse pour un homme : de sa vie, et que parfois il semble que le salut est dans la fuite en arrière, parfois en avant et que ces gens agissaient suivant l’impression du moment dans la chaleur même de la bataille. En réalité, tout ce mouvement de va-et-vient ne facilite pas, ne change pas la situation des troupes. Toutes leurs attaques, leurs élans, causaient peu de dommages et c’étaient les boulets et les balles qui volaient partout sur cet espace où se remuaient ces gens qui causaient le dommage, la mort, les blessures. Dès que ces gens sortaient de l’espace où volaient les boulets et les balles, aussitôt les chefs qui se trouvaient derrière les obligeaient à reformer leurs rangs, les soumettaient à la discipline et, sous son influence, les replaçaient de nouveau dans le cercle de feu où (sous l’emprise de la peur de la mort), de nouveau, ils échappaient à la discipline et s’agitaient suivant l’instinct fortuit de la foule.