Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol10.djvu/451

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

étendu seul sur la prairie, faisait place à un autre sentiment. À présent, assis sur le bord du fossé il observait les personnes qui l’entouraient. Vers dix heures on avait déjà emporté une vingtaine d’hommes de la batterie, deux canons étaient détruits et les balles, envoyées de loin, en bondissant et sifflant tombaient de plus en plus souvent sur la batterie. Mais les hommes qui se trouvaient là paraissaient ne pas le remarquer. De tous côtés on entendait des conversations gaies et des plaisanteries.

— Eh, la grenade ! cria un soldat à un obus qui s’approchait en sifflant. Pas ici ! — Vers l’infanterie ! ajouta un autre avec un éclat de rire en remarquant que la grenade les avait dépassés et tombait dans les rangs des troupes de couverture.

— Quoi ! Une connaissance ! criait un autre soldat à un paysan qui s’inclinait quand un obus volait au-dessus de lui.

Quelques soldats se groupaient près du rempart et regardaient ce qui se faisait devant.

— On a ôté la ligne, tu vois. Ils se sont retournés, disait l’un en montrant l’espace au delà du rempart.

— Sache donc ton métier ! cria un vieux caporal. Ils ont passé derrière, alors c’est qu’il y a une affaire derrière.

Et le caporal, prenant par l’épaule un des soldats, lui allongea un coup de pied.