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petit tonneau et travaillait. (Il vérifiait les comptes.) Un aide de camp se tenait debout près de lui. On pouvait se procurer un meilleur logement, mais le maréchal Davoust était un de ces hommes qui se placent exprès dans les conditions les plus dures de la vie pour avoir le droit d’être inflexibles. C’est pour le même motif qu’ils sont toujours très occupés : « Comment aurais-je le temps de penser aux côtés joyeux de la vie quand je travaille, comme vous le voyez, dans un hangar sale, assis sur un tonneau ? » Voilà ce que voulait dire l’expression de son visage. Le plaisir principal et le besoin de ces gens consistent, quand ils rencontrent l’animation de la vie, à lui jeter en face leur activité sombre et persévérante. Davoust se fit ce plaisir quand on introduisit près de lui Balachov. Il se plongea encore davantage dans son travail et regarda derrière ses lunettes le visage de Balachov animé sous l’influence d’un beau matin et de sa conversation avec Murat, et il ne se leva pas, même ne remua pas ; ses sourcils se froncèrent encore davantage et il sourit méchamment. Remarquant sur le visage de Balachov l’impression produite par cette réception, Davoust leva la tête et lui demanda froidement ce qu’il désirait.

Balachov, supposant qu’un pareil accueil lui était fait seulement par ignorance de son titre de général aide de camp de l’empereur Alexandre et son ambassadeur près de Napoléon, se hâta de faire