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haut lieu, demain nous gagnerons la bataille. Demain, coûte que coûte, nous vaincrons.

— Voilà la vérité, Votre Excellence, la vraie vérité ! prononça Timokhine. Qu’épargner maintenant ? Le croiriez-vous, les soldats de mon bataillon n’ont pas bu d’eau-de-vie. C’est pas le jour, disent-ils.

Tous se turent.

Les officiers se levèrent. Le prince André les suivit dehors en donnant un dernier ordre à l’aide de camp. Quand les officiers furent partis, Pierre s’approcha du prince André, il voulait entamer la conversation, quand sur la route, pas loin du hangar, résonna le bruit des sabots de trois chevaux. En regardant dans cette direction, le prince André reconnut Volsogen et Klosevitch accompagnés d’un cosaque. Ils traversaient le pré en continuant à causer, et Pierre et le prince André, malgré eux, entendirent les phrases suivantes :

Der Krieg muss im Raum verlegt werden. Der Ansicht kann ich nicht genug Preis geben[1], disait l’un.

O ja, der Zweck ist nur den Feind zu schwachen, so kann man gewiss nicht der Verlust der Privat-Personen in Achtung nehmen[2], dit une autre voix.

  1. La guerre doit être transportée dans l’espace. Je ne puis pas vous exprimer toute la haute appréciation d’une telle opinion.
  2. Oh oui ! Quoique le but consiste à affaiblir l’ennemi, on ne peut tenir compte des pertes des particuliers.