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« Nous sommes battus, eh bien, fuyons ! » Et nous avons fui. Si jusqu’au soir nous ne l’avions pas dit, Dieu sait ce qui serait arrivé. Et demain, nous ne le dirons pas. Tu dis : notre position, le flanc gauche est faible, le flanc droit aligné, tout cela c’est de la blague, il n’y a rien de tout cela. Et qu’aurons-nous demain ! Des centaines, des milliers de circonstances les plus diverses qui seront décidées momentanément par ce fait : que ce sont eux ou les nôtres qui ont couru ou courent, qu’un tel sera tué, qu’on tuera un autre. Et tout ce qu’on fait maintenant n’est qu’amusement. Ceux avec qui tu as inspecté les positions non seulement n’aident pas à la marche générale des affaires, mais l’entravent, ils ne sont occupés que de leurs intérêts mesquins.

— En un pareil moment ! fit Pierre avec reproche.

— En un pareil moment, répéta le prince André. Pour eux, ce n’est qu’en un pareil moment qu’on peut avancer et recevoir le plus de croix et de rubans. Pour moi, voici ce qui arrivera demain : Une armée russe de cent mille hommes et une armée française de cent mille hommes sont préparées à se battre, et le fait est que ces deux cent mille hommes se battront, et ceux qui se battront le plus ardemment et se plaindront le moins, ceux-ci vaincront. Et veux-tu que je te dise : Quoi qu’il arrive, quelques manigances qu’on fasse là-bas, en