Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol10.djvu/373

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

droite de la route sur un immense mamelon couvert d’herbe. Les uns creusaient avec des pelles, les autres emportaient la terre dans des brouettes qu’ils poussaient sur des planches, d’autres ne faisaient rien.

Deux officiers donnaient des ordres. En apercevant ces paysans, qu’animait encore leur nouvel état militaire, Pierre se rappela de nouveau les soldats blessés à Mojaïsk et il comprit ce que voulait exprimer le soldat qui disait : qu’on veut lancer tout le peuple. La vue de ces paysans barbus, travaillant sur le champ de bataille, gauches dans des bottes étranges pour eux, avec leurs cous en sueur, les chemises déboutonnées sous lesquelles on voyait les os brunis des clavicules, impressionnait Pierre plus vivement que tout ce qu’il avait vu et entendu jusqu’ici sur la solennité et l’importance du moment présent.