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terminer la campagne, on y peut faire beaucoup d’objections.

Les historiens de Napoléon eux-mêmes racontent qu’aussitôt après Smolensk il voulait s’arrêter : il comprenait le danger de sa position en ligne et savait que l’occupation de Moscou ne mettrait pas fin à la campagne, parce que, depuis Smolensk, il voyait en quel état on lui laissait les villes russes et qu’il ne recevait aucune réponse à ses déclarations sur le désir d’entamer les pourparlers.

En donnant et acceptant la bataille de Borodino, Koutouzov et Napoléon ont agi malgré leur volonté et sans raison, et les historiens, après coup, ont apporté des preuves compliquées de la prévoyance et du génie des capitaines qui, parmi les facteurs involontaires des événements européens, étaient les plus serviles et les moins conscients.

Les anciens nous ont laissé des modèles de poèmes héroïques dans lesquels les héros font tout l’intérêt de l’histoire, et nous ne pouvons pas nous faire à ce que, en notre temps, l’histoire racontée de cette sorte n’ait pas de sens.

À l’autre question : Comment étaient données la bataille de Borodino et celle de Schévardine qui la précéda ? il existe aussi une explication définie, que tout le monde connaît, et qui est tout à fait mensongère. Tous les historiens décrivent la bataille de la façon suivante :

L’armée russe, dans sa retraite après Smolensk,