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rière la porte une belle femme, rouge, en robe de soie, un fichu de soie blanche sur la tête, qui tenait un plateau et attendait évidemment l’entrée du commandant en chef.

L’aide de camp de Koutouzov, en chuchotant, expliqua au prince André que c’était la maîtresse de la maison, la femme du pope, qui avait l’intention de présenter le pain et le sel à Son Altesse. Son mari avait rencontré le sérénissime avec la croix, à l’église, et elle le recevait à la maison. « Très jolie », ajouta l’aide de camp avec un sourire. À ces paroles, Koutouzov se retourna. Il écoutait le rapport du général de service (l’objet principal de ce rapport était la critique de la position près de Tsarevo Zaïmistché) comme il avait écouté Denissov, comme il écoutait sept ans auparavant la décision du Conseil supérieur de la Guerre, près d’Austerlitz. Il écoutait seulement parce qu’il avait des oreilles, et que, malgré l’ouate qui emplissait l’une d’elles, il ne pouvait ne point entendre. Mais il était évident que rien de ce que pouvait dire le général de service ne pourrait non seulement l’étonner ou l’intéresser, mais qu’il savait d’avance tout ce qu’on allait lui dire et qu’il n’écoutait tout cela que parce qu’il ne pouvait faire autrement, de même qu’il ne pouvait se dispenser d’écouter le Te Deum d’action de grâces.

Tout ce que disait Denissov était juste et sensé ; ce que disait le général de service était encore plus