Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol10.djvu/284

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Elle voulait mais n’osait prier. Dans son état d’âme présent, elle n’osait s’adresser à Dieu. Elle resta étendue longtemps dans la même position.

Le soleil se couchait de l’autre côté de la maison et, de ses rayons obliques, vespéraux, à travers les fenêtres ouvertes, éclairait la chambre et la partie de l’oreiller que regardait la princesse Marie. Tout à coup, la marche de ses idées s’arrêta. Inconsciemment elle se souleva, arrangea ses cheveux, se leva et s’approcha de la fenêtre, respirant malgré elle la fraîcheur d’un soir clair, sans vent. « Oui, maintenant, c’est facile pour toi d’admirer le crépuscule ! Il n’est plus déjà et personne ne t’en empêchera, » se dit-elle. Elle s’assit sur une chaise et appuya la tête contre la fenêtre.

Quelqu’un, d’une voix tendre et douce, l’appela du côté du jardin et lui baisa la tête. Elle se retourna. C’était mademoiselle Bourienne, en robe noire garnie de crêpe. Elle s’approcha doucement de la princesse Marie, l’embrassa en soupirant et aussitôt se mit à pleurer. La princesse Marie se retourna vers elle. Tous ses ennuis avec elle, sa jalousie pour elle revenaient à la princesse Marie. Elle se rappelait aussi, que lui, les derniers temps, était changé vis-à-vis de mademoiselle Bourienne, ne pouvait plus la voir et alors combien étaient injustes les reproches qu’elle lui faisait en son âme. Est-ce que j’ai le droit de juger quelqu’un, moi qui désirais sa mort ? » pensa-t-elle.