Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol10.djvu/279

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

n’oubliait jamais un seul compte d’argent ou de farine des énormes convois qu’il vendait, pas une seule meule de blé sur chaque déciatine des champs de Bogoutcharovo. Alpatitch, qui arrivait de Lissia-Gorï ruiné, fit appeler Drone, le jour des funérailles du prince, et lui ordonna de préparer douze chevaux pour les voitures de la princesse et dix-huit chariots pour les bagages qu’il devait emporter de Bogoutcharovo. Bien que ce fussent des paysans payant redevance, l’exécution de cet ordre ne pouvait soulever de difficulté, selon l’opinion d’Alpatitch, parce qu’à Bogoutcharovo il y avait deux cent trente familles et que les paysans étaient assez à l’aise. Mais le starosta Drone, après avoir écouté l’ordre en silence, baissa les yeux. Alpatitch lui nommait les paysans qu’il connaissait et chez qui il ordonnait de prendre les charrettes. Drone répondit que les chevaux de ces paysans étaient au labour. Alpatitch nomma d’autres paysans, c’était la même chose. Selon les paroles de Drone il n’y avait pas de chevaux, les uns étaient attelés aux chariots d’état, les autres, trop faibles ; ailleurs les chevaux avaient crevé faute de nourriture. D’après Drone, on ne pouvait se procurer assez de chevaux, non seulement pour les bagages, mais aussi pour les voitures.

Alpatitch regarda attentivement Drone et fronça les sourcils, De même que Drone était un starosta modèle, de même Alpatitch connaissait bien son