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il se remit à parler de son fils, de la guerre, de l’empereur, fronça avec colère les sourcils, haussa sa voix rauque et fut pris d’une deuxième et dernière attaque.

La princesse Marie s’arrêta sur la terrasse. La journée était devenue belle, ensoleillée, chaude. Elle ne pouvait ni comprendre, ni sentir ni penser ; elle était toute à son affection passionnée pour son père, affection que, lui semblait-il, elle avait ignorée jusqu’alors. Elle courut au jardin et, en sanglotant, s’enfuit en bas, vers l’étang, par l’allée de jeunes tilleuls plantés par le prince André.

— Oui… c’est moi… moi… moi… qui désirais sa mort ! Oui, j’ai désiré qu’il finisse plus vite… j’ai désiré me débarrasser… Et qu’adviendra-t-il de moi ! À quoi bon me tranquilliser quand il ne sera plus là ! murmurait-elle à haute voix en marchant à pas rapides dans le jardin, ses mains comprimant sa poitrine pleine de sanglots.

Après avoir fait un nouveau tour qui la ramena à la maison, elle aperçut mademoiselle Bourienne (elle était restée à Bogoutcharovo et n’avait pas voulu s’en aller) et un homme inconnu qui marchaient à sa rencontre. C’était le maréchal de la noblesse qui venait personnellement chez la princesse pour lui représenter la nécessité d’un prompt départ. La princesse Marie écoutait et ne comprenait pas. Elle l’introduisit dans la maison, lui offrit à déjeuner et s’assit avec lui ; bientôt, s’excusant