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Il se tut longtemps, les yeux fermés. Ensuite, comme pour répondre à ses doutes et affirmer qu’il avait tout compris et se souvenait, il remua affirmativement la tête et ouvrit les yeux.

— Oui, dit-il nettement et doucement, la Russie est perdue ! On l’a perdue ! Et de nouveau il sanglota, des larmes coulèrent de ses yeux.

La princesse Marie ne pouvant plus se retenir pleurait aussi en le regardant.

Il referma de nouveau les yeux, ses sanglots cessèrent ; avec la main, il fit un signe vers ses yeux et Tikhone l’ayant compris vint essuyer ses larmes.

Puis il ouvrit les yeux ; prononça quelque chose que longtemps personne ne put comprendre et que seul Tikhone comprit enfin et transmit. La princesse Marie cherchait le sens de ses paroles dans l’ordre d’idées de ce que disait le prince quelques minutes avant ; elle se demandait s’il parlait de la Russie, du prince André, d’elle, ou de son petit-fils, ou de la mort, c’est pourquoi elle ne pouvait deviner ce qu’il disait.

— Mets ta robe blanche, je l’aime, dit-il.

À ces paroles, la princesse Marie sanglota encore plus fort et le docteur la prenant par le bras, la conduisit de la chambre sur la terrasse en lui disant de se calmer et de s’occuper des préparatifs du départ.

Dès que la princesse Marie eut quitté le prince,