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homme de beaucoup de mérite, après avoir raconté qu’il avait vu ce jour-là Koutouzov, choisi comme chef de l’enrôlement de Pétersbourg, présider à la réception des soldats, se permit très prudemment d’exprimer la supposition que Koutouzov serait l’homme qui satisferait toutes les espérances.

Anna Pavlovna sourit tristement et objecta que Koutouzov, sauf des désagréments, n’avait rien fait à l’empereur.

— Je l’ai dit et redit dans l’assemblée de la noblesse, intervint le prince Vassili, mais on ne m’a pas même écouté ; j’ai dit que son élection comme chef de l’enrôlement ne plairait pas à l’empereur. Ils ne m’ont pas écouté. Toujours une manie de fronder… continua-t-il. Et devant qui ? Tout cela parce que nous voulons singer les sots enthousiastes de Moscou, dit le prince Vassili, s’embrouillant pour un moment, et oubliant que si, chez Hélène, il fallait railler l’enthousiasme des Moscovites, chez Anna Pavlovna, il le fallait admirer. Mais il se reprit aussitôt.

— Est-ce convenable pour le prince Koutouzov, le plus vieux général russe, de siéger dans la chancellerie de l’enrôlement, et il en restera pour sa peine ! Peut-on nommer général en chef un homme qui ne peut monter à cheval ! qui s’endort au conseil, un homme des mœurs les plus dépravées ? Il s’est bien conduit à Bucharest ! Je ne parle pas de