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lui cria la femme en faisant allusion aux bruits de la guerre et à l’ennemi.

— Des femmes ! des femmes ! bavardages de femmes ! prononça Alpatitch, et il partit en regardant autour de lui les champs tantôt de seigle jauni, tantôt d’avoine épaisse encore verte, tantôt encore noirs et prêts à être ensemencés.

Tandis qu’il avançait, Alpatitch, en fixant ses regards sur les champs de seigle que par-ci par-là on commençait à faucher, admirait l’abondance extraordinaire des semailles de printemps, et il faisait ses calculs sur les semailles, la récolte, et tâchait de se rappeler s’il n’avait pas oublié quelque ordre du prince.

Après s’être arrêté deux fois en route pour soigner les chevaux, le 4 août, vers le soir, Alpatitch arriva à la ville. En route il avait rencontré et dépassé des fourgons et des troupes. Tout en approchant de Smolensk, il entendait des coups lointains, mais ces sons ne le frappaient pas. Ce qui l’étonna surtout, ce fut de voir, en s’approchant de Smolensk, un beau champ d’avoine que des soldats fauchaient, évidemment pour leurs chevaux, et où ils disposaient leur campement. Ce fait frappa Alpatitch, mais bientôt il l’oublia en pensant à ses affaires.

Tous les intérêts de la vie d’Alpatitch, depuis déjà plus de trente ans, étaient limités à la seule volonté du prince : jamais il n’était sorti de ce