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en l’appelant : Monsieur mon frère et lui affirmant qu’il ne désirait point la guerre, et qu’il l’aimerait et l’estimerait toujours, malgré cela il partit pour l’armée et, à chaque relais, il donnait de nouveaux ordres afin d’activer le mouvement de l’armée de l’ouest vers l’est. Il partit en carrosse de voyage attelé de six chevaux, entouré de pages, d’aides de camp, de gardes, sur la route de Posen, Thorn, Dantzig et Kœnigsberg. Dans chacune de ces villes, des milliers d’hommes le rencontraient tremblants et joyeux.

L’armée marchait de l’ouest à l’est et les six chevaux qu’on relayait, l’emportaient là-bas. Le 10 juin, Napoléon rejoignit l’armée. Il passa la nuit dans la forêt de Vilkovisk : on lui avait préparé un logement dans le domaine d’un comte polonais.

Le lendemain, il dépassa l’armée, sa voiture s’approcha du Niémen et, pour inspecter le gué du fleuve, il revêtit l’uniforme polonais et sortit sur la rive. Apercevant de l’autre côté les Cosaques et les steppes au milieu desquels était Moscou, la ville sainte, la capitale de cet État semblable à l’État des Scythes où était allé Alexandre le Grand, Napoléon, à la surprise de tous et contrairement aux considérations stratégiques et diplomatiques, ordonna l’invasion, et, le lendemain, ses troupes commencèrent à franchir le Niémen.

Le 12, très tôt le matin, il sortit de la tente ins-