Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol10.djvu/203

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de nouveau correspondait avec elle, lui écrivît de Moscou des lettres patriotiques.

« Je vous écris en russe, ma bonne amie, parce que j’ai en haine tous les Français ainsi que leur langue que je ne puis entendre parler ; à Moscou, nous sommes si enthousiasmés de notre empereur adoré !

» Mon pauvre mari supporte la fatigue, les difficultés et la faim dans les auberges juives, mais les nouvelles que j’ai m’animent encore plus.

» Vous avez probablement entendu parler de l’acte héroïque de Raievsky qui, embrassant ses deux fils, dit : « Je périrai avec eux, mais nous ne faillirons pas ! » Et, en effet, malgré l’ennemi deux fois plus fort, nous n’avons pas faibli. Nous passons le temps comme nous le pouvons, mais à la guerre comme à la guerre. La princesse Aline et Sophie passent avec moi toutes les journées et nous, malheureuses veuves de maris vivants, en préparant de la charpie, nous faisons de belles conversations. Vous seule, mon amie, manquez, etc… »

La princesse Marie ne comprenait pas toute la signification de cette guerre, principalement parce que le vieux prince n’en parlait jamais, ne l’admettait pas et, pendant le dîner, se moquait de Desalles qui en parlait. Le ton du prince était si calme et si assuré que, sans raisonner, la princesse Marie le croyait.

Durant tout le mois de juillet, le vieux prince fut