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plus il est lié aux hommes supérieurs, plus il a de pouvoir sur les autres, plus sont évidentes la prédestination et la fatalité de chacun de ses actes.

« Le cœur du roi est dans la main de Dieu. »

« Le roi est l’esclave de l’histoire. »

L’histoire, c’est-à-dire la vie inconsciente, commune des essaims humains, profite pour soi-même de chaque mouvement de la vie des rois, comme d’une arme, pour atteindre son but.




Bien qu’en 1812 il semblât plus que jamais à Napoléon qu’il dépendait de lui de verser ou non le sang de ses peuples (comme le lui écrivait Alexandre dans sa dernière lettre), il n’avait jamais été soumis plus que maintenant à ces lois inévitables qui le forçaient (en agissant, lui semblait-il, par sa propre volonté) à faire pour l’œuvre commune, — pour l’histoire, ce qui devait se réaliser.

Des hommes de l’Occident marchaient vers l’Orient pour tuer leurs semblables. D’après la loi de coïncidence des causes, à ce fait étaient corrélatives des milliers de petites causes nécessaires à ce mouvement et à la guerre : les reproches d’inobservance du blocus continental, le duc d’Oldenbourg, le mouvement des troupes vers la Prusse, entrepris (semblait-il à Napoléon) seulement pour atteindre la réalisation de la paix armée, et l’amour et l’habitude de la guerre chez l’empereur des Fran-