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centré. Il buvait sans plaisir, tâchait de rester seul et était préoccupé.

Rostov pensait toujours à son acte brillant qui, à son étonnement, lui valait la croix de Saint-Georges et même la réputation d’un brave et il y avait quelque chose qu’il ne pouvait nullement comprendre. « Alors, ils sont encore plus peureux que nous ? Alors, c’est ce qu’on appelle l’héroïsme ? Ai-je fait cela pour la patrie ? Et en quoi est-il coupable avec sa petite fossette et ses yeux bleus ? Comme il avait peur ! Il pensait que je le tuerais ! Pourquoi l’aurais-je tué ? Ma main tremblait. Et on m’a donné la croix de Saint-Georges. Je n’y comprends rien, rien ! » pensait-il.

Mais pendant que Nicolas se posait ces questions et malgré tout ne pouvait se rendre compte de ce qui le troublait tant, comme il arrive souvent au service, la roue de la fortune tournait à son profit. Il reçut de l’avancement après l’affaire d’Ostrovna. On lui donna un bataillon de hussards et, quand il fallait pour une mission un officier courageux, c’est à lui qu’on la confiait.