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faire leur toilette, mais le petit réduit était rempli par trois officiers qui jouaient aux cartes, une bougie sur une caisse vide, et ne voulaient céder leur place à aucun prix. Maria Henrikovna proposa sa jupe pour servir de paravent et, derrière ce paravent improvisé, Rostov et Iline, aidés de Lavrouchka qui apportait de quoi changer, enlevèrent vivement leurs habits mouillés et en vêtirent de secs.

On alluma un poêle à moitié démoli ; quelqu’un avait trouvé une planche, on l’appuya sur deux selles, on la couvrit d’une schabraque, on fit apporter un petit samovar, la cantine, une demi-bouteille de rhum et, invitant Maria Henrikovna à être l’hôtesse, tous se groupèrent autour d’elle. L’un lui proposait un mouchoir propre pour essuyer ses jolies mains ; l’autre lui jetait sur les pieds son uniforme, pour les préserver de l’humidité ; le troisième bouchait la fenêtre avec un manteau pour que le vent ne soufflât pas. Un autre enfin, chassait les mouches du visage de son mari afin qu’il ne s’éveillât pas.

— Laissez-le, dit Maria Henrikovna en souriant timidement d’un sourire heureux, il dormira bien sans cela, après une nuit sans sommeil.

— Impossible, Maria Henrikovna, il faut servir le docteur. Il en aura peut-être plus de pitié quand il nous coupera la jambe ou le bras.

Il n’y avait que trois verres. L’eau était si sale qu’on ne pouvait savoir si le thé était fort ou non,