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Iline, ce garçon qui m’est étranger, mais si bon, je tâcherais de le mettre quelque part à l’abri ! » continuait à penser Rostov en écoutant Zdrjinski. Mais il n’exprimait pas ses pensées : son expérience l’en empêchait. Il savait que ce récit aidait à la gloire de notre armée et que, pour cette raison, il fallait avoir l’air de n’en pas douter. C’est ce qu’il faisait.

— Cependant je n’en puis plus, dit Iline, qui remarquait que le récit de Zdrjinski ennuyait Rostov, les bas, la chemise, tout est mouillé. Je vais chercher un asile. Il me semble que la pluie diminue. Iline sortit et Zdrjinski s’en alla. Cinq minutes après, Iline, en pataugeant dans la boue, accourut vers la hutte.

— Hourra ! Rostov, allons plus vite. J’ai trouvé ! À deux cents pas, il y a une auberge ; les nôtres sont déjà là, nous nous sécherons au moins, et Maria Henrikovna est aussi là-bas.

Maria Henrikovna était la femme du médecin du régiment. C’était une jolie petite Allemande que le docteur avait épousée en Pologne. Le médecin, soit faute de moyens, soit qu’il ne voulût pas, les premiers temps, se séparer de sa jeune femme, la traînait avec lui derrière le régiment, et la jalousie du docteur devenait un sujet habituel de plaisanteries parmi les officiers de hussards.

Rostov jeta sur ses épaules un manteau, appela Lavrouchka et lui ordonna de transporter ses effets, puis accompagné d’Iline, il marcha dans la boue,