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geait, était assis sous la hutte construite à la hâte. Un officier de leur régiment, à longues moustaches, qui revenait de l’état-major et que la pluie avait surpris, vint chez Rostov.

— Comte, je viens de l’état-major, avez-vous entendu parler de l’acte héroïque de Raievsky ?

Et l’officier narra les détails de la bataille de Saltanovka qu’on racontait à l’état-major.

Rostov, tournant son cou que l’eau mouillait, fumait la pipe et, prêtant peu d’attention à ce qu’il entendait, regardait de temps en temps le jeune officier Iline qui se trouvait près de lui. Cet officier, un garçon de seize ans, récemment arrivé au régiment, était envers Rostov ce que Rostov était envers Denissov, sept ans auparavant. Iline tâchait en tout d’imiter Rostov et était épris de lui comme une femme.

L’officier aux grandes moustaches Zdrjinski racontait avec emphase pourquoi cette digue de Saltanovka était les Thermopyles russes et comment le général Raievsky y avait accompli un acte digne de l’antiquité.

Zdrjinski racontait l’acte de Raievsky qui, sous un feu nourri, avait amené ses deux fils sur la digue et, les ayant à ses côtés, s’était jeté à l’attaque. Rostov écoutait le récit et non seulement ne disait rien pour encourager l’enthousiasme de Zdrjinski mais au contraire, il avait l’air d’un homme qui a honte de ce qu’on lui raconte, bien qu’il n’ait pas