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a eu, en effet, deux rédactions, mais au fond elle n’a eu et ne continue à avoir qu’une seule pensée. Elle avait d’abord eu une première formule. Les paroles qui ont été prononcées à cette tribune et ailleurs, et mieux que les paroles, les faits lui ont démontré que cette formule était une expression incomplète et dangereuse de sa pensée ; elle y a renoncé, non pas à la pensée, mais à la forme.

Cette formule est reprise. C’est en face d’elle que nous nous trouvons en ce moment placés.

On met les deux rédactions en présence ; soit. Comparons l’une à l’autre à la lumière nouvelle des faits :

Par sa dernière rédaction, la Commission se borne à imposer à la société le devoir de venir en aide, soit par le travail, soit par le secours proprement dit et dans les mesures de ses ressources, à toutes les misères ; en disant cela, la commission a voulu, sans doute, imposer à l’État un devoir plus étendu, plus sacré que celui qu’il s’était imposé jusqu’à présent ; mais elle n’a pas voulu faire une chose absolument nouvelle : elle a voulu accroître, consacrer, régulariser la charité publique, elle n’a pas voulu faire autre chose que la charité publique. L’amendement, au contraire, fait autre chose, et bien plus ; l’amendement, avec le sens que les paroles qui ont été prononcées et surtout les faits récents lui donnent, l’amendement qui accorde à chaque homme en particulier le droit général, absolu, irrésistible, au travail, cet amendement mène nécessairement à l’une de ces conséquences : ou l’État entreprendra de donner à tous les travailleurs qui se présenteront à lui l’emploi qui leur manque, et alors il est entraîné peu à peu à se faire industriel ; et comme il est l’entrepreneur d’industrie qu’on rencontre partout, le seul qui ne puisse refuser le travail, et celui qui d’ordinaire impose la moindre tâche, il est invinciblement conduit à se faire le principal, et bientôt, en quelque sorte, l’unique entrepreneur de l’industrie. Une fois arrivé là, l’impôt n’est plus le moyen de faire fonctionner la machine du gouverne-