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la plus pénible et la plus grave où vous ayez certainement été depuis que vous êtes entré dans la vie politique. Vous gardez ce fonctionnaire ; bien plus, vous le récompensez, vous l’honorez.

Que voulez-vous que l’on pense ? Comment voulez-vous que nous ne pensions pas l’une de ces deux choses : ou que vous avez une singulière partialité pour les dissidences de cette espèce, ou que vous n’êtes plus libre de les punir ? (Sensation.)

Je vous défie, malgré le talent immense que je vous reconnais, je vous défie de sortir de ce cercle. Si, en effet, l’homme dont je parle a agi malgré vous, pourquoi le gardez-vous près de vous ? Si vous le gardez près de vous, si vous le récompensez, si vous refusez de le blâmer, même de la manière la plus légère, il faut nécessairement conclure ce que je concluais tout à l’heure.

A gauche. Très-bien ! très-bien !

M. Odilon Barrot. C’est décisif !

M. de Tocqueville. Mais, messieurs, admettons que je me trompe sur les causes du grand mal dont je parlais tout à l’heure, admettons qu’en effet le gouvernement en général et le cabinet en particulier n’y est pour rien ; admettons cela pour un moment. Le mal, messieurs, n’en est-il pas moins immense ? ne devons-nous pas à notre pays, à nous-mêmes, de faire les efforts les plus énergiques et les plus persévérants pour le surmonter ?

Je vous disais tout à l’heure que ce mal amènerait tôt ou tard, je ne sais comment, je ne sais d’où elles viendront, mais amènerait tôt ou tard les révolutions les plus graves dans ce pays : soyez-en convaincus.

Lorsque j’arrive à rechercher dans les différents temps, dans les différentes époques, chez les différents peuples, quelle a été la cause efficace qui a amené la ruine des classes qui gouvernaient, je vois bien tel événement, tel homme, telle cause accidentelle ou superficielle ; mais croyez