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qui, placés au-dessus du peuple, possédaient et exerçaient des droits politiques, enleva tout à coup aux luttes parlementaires toute cause réelle et toute passion vraie. De là naquit principalement cette tendance nouvelle, cet alanguissement qui se fait voir dans la vie publique. En dehors du pays légal, la vie publique n’était pas encore née. Au dedans, elle ne pouvait naître. Le vide réel que nous remarquons dans les débats parlementaires et l’impuissance des hommes politiques qui les dirigent, l’atmosphère épaisse et immobile qui semble environner la tribune et assourdir les voix qui s’en élèvent, sont dus à cette cause. Le talent des orateurs est grand, l’effet produit par leurs discours restreint et de peu de durée. C’est qu’au fond ils diffèrent plus entre eux par les mots que par les idées, et que, tout en mettant fort en relief les rivalités qui les divisent, ils ne font pas voir clairement en quoi leurs actes, s’ils étaient au pouvoir, différeraient des actes de leurs adversaires. La nation les regarde moins comme des adversaires politiques qui parlent de ses affaires, que comme les enfants d’une même famille occupés à régler entre eux de petits intérêts domestiques. Elle s’endort en les écoutant, ou s’agite de ses propres pensées.

Le temps approche, en effet, où le pays se trouvera de nouveau partagé en deux véritables partis. La Révolution française, qui a aboli tous les privilèges et détruit tous les droits exclusifs, en a pourtant laissé subsister un, celui de la propriété.

Il ne faut pas que les propriétaires se fassent illusion