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« Sur cette somme, il est ouvert au ministre secrétaire d’État de la guerre, sur l’exercice 1847, un crédit de un million qui sera inscrit au chapitre XXXII du budget de la guerre (colonisation en Algérie).

« Les crédits ou portions de crédits non employés à l’expiration de l’exercice au titre duquel ils auront été ouverts, seront reportés de plein droit sur l’exercice suivant. »

Voici les principales raisons qui ont été données à l’appui de cet amendement. En adoptant la mesure proposée, a-t-on dit, on évite la plupart des inconvénients qu’on rencontrerait dans les camps agricoles, et on obtient la plupart des avantages qu’ils peuvent produire.

Ainsi, d’une part, on ne change pas la loi du recrutement ; on ne crée pas d’inégalité dans la condition du soldat ; on ne s’expose point à tous les embarras d’exécution dans lesquels le projet de loi se jette. Les hommes que l’on choisit sont déjà libérés du service ; ils sont mariés, ils se présentent d’eux-mêmes, attirés par la subvention qu’on leur offre. On ne les réunit point pour en composer des populations agricoles à part, on les dissémine au milieu de populations déjà existantes et placées dans de bonnes conditions de succès.

D’une autre part, on introduit ainsi dans le sein de la population civile des éléments plus énergiques et plus virils que ceux qui la composent. On donne à l’armée un éclatant témoignage de sollicitude, et l’on fait en même temps, à son égard, un acte de justice. Quoi de plus juste, en effet, que d’employer à produire le bien-être du soldat, le sol qu’il a conquis.

Les soldats qu’on subventionnera de cette manière, ne seront pas, sans doute, munis de capitaux, mais ils auront ce qui n’est pas moins nécessaire pour réussir dans une telle entreprise, la vigueur morale, la santé et la jeunesse.

Les adversaires de la proposition répondaient : Il ne faut pas abuser du nom de l’armée. Quel homme s’étant occupé des affaires d’Afrique et ayant parcouru l’Algérie, n’a pas été frappé du spectacle, grand et rare, qu’y donne l’armée ? Qui n’a admiré surtout, dans le simple soldat, celui dont il s’agit ici, ce courage modeste et naturel qui atteint jusqu’à l’héroïsme en quelque sorte sans le savoir ; cette résignation tranquille et sereine qui maintient le cœur calme