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libérés. Les deux autres ont été fondés exactement de la manière qu’indique l’exposé des motifs du projet de loi. Que faut-il conclure de cette triple expérience ?

Nous n’entrerons pas dans un examen détaillé de la condition de ces villages. Les éléments d’un pareil travail seraient très-difficiles à rassembler et peu sûrs. Nous nous bornerons à dire d’une manière générale que les trois villages militaires dont nous venons de parler, ont coûté beaucoup plus cher que les villages civils leurs voisins, et n’ont pas produit un résultat différent. Ceux qui sont placés dans des conditions économiques médiocres ou mauvaises, comme Fouca ou Mahelma, languissent et se soutiennent à peine. Le troisième, Beni-Mered, qui est placé dans une des parties les plus fertiles de la Mitidja, à une lieue de deux villes qui, jusqu’à ces derniers temps, étaient très-prospères, Bouffarik et Blidah, présente un aspect plus satisfaisant. Mais, remarquez-le bien, cette sorte de prospérité dont il jouit n’est pas particulière à sa population militaire ; dans ce même village de Beni-Mered, un certain nombre de familles civiles ont été placées. Le gouvernement a beaucoup moins fait pour elles que pour les familles militaires qui les avoisinent : si l’on vient cependant à examiner l’état dans lequel se trouvent les unes et les autres, on voit que leur condition diffère très-peu, et que, s’il existait entre elles une différence, c’est à l’avantage des premières qu’il faudrait la constater. L’ensemble de toutes les considérations qui viennent d’être successivement reproduites, a convaincu, messieurs, votre Commission ; le projet de loi ne lui a pas paru pouvoir être adopté dans la forme que le gouvernement lui avait donnée. Cette résolution a été prise à l’unanimité des membres présents.

Mais elle s’est divisée sur le point de savoir s’il n’y avait rien à vous proposer pour mettre à la place. Un membre a ouvert l’avis de remplacer l’article premier par un article ainsi conçu : «  Il sera employé une somme de trois millions de francs à l’établissement, en Algérie, de militaires libérés et mariés, de tout grade et de toutes armes de l’armée de terre et de mer, et choisis de préférence parmi ceux qui auront servi en Afrique. « Ces militaires libérés seront répartis dans les divers centres agricoles, créés ou à créer, et assimilés en tous points aux colons civils.