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ment , fait vivre une population assez dense, et donne à ses possesseurs de grands revenus ; c’est au delà de cette zone de jardins, sur les collines du Sahel et dans les plaines de la Mitidja, que l’agriculture proprement dite commence.

La Chambre n’a pas besoin que nous lui rappelions dans quelles circonstances la plupart des terres du Sahel et de la Mitidja sont passées des mains indigènes dans des mains européennes. Elle sait quel étrange désordre dans la propriété foncière est résulté de ces achats faits au hasard, dans l’ignorance des vrais propriétaires et des vraies limites, et dans des vues d’agiotage plus que de culture. Ce qui importe de savoir en ce moment, c’est ce que la terre est devenue dans les mains de ceux qui la possèdent. La plupart des grandes propriétés européennes, dans la plaine de la Mitidja et même dans le Sahel, sont encore inhabitées et incultes. L’incertitude même de la propriété et de ses limites est une des causes principales de cet état de choses, mais ce n’est pas la seule. Dans l’origine, le peu de sécurité du pays ; depuis, l’absence de routes ; l’éloignement des marchés pour beaucoup de propriétaires ; pour quelques-uns, au contraire, le voisinage d’une grande capitale qui semblait devoir accroître bientôt la valeur des terres sans qu’on eût la peine de les défricher, et donnait des chances prochaines et heureuses à l’agiotage, ont été autant de raisons accessoires qui expliquent, sans le justifier, l’abandon dans lequel tant de terrains fertiles ont été laissés.

Il ne faut pas pourtant s’exagérer le mal. Il est très-inexact de dire que les grands propriétaires européens n’aient rien fait autour d’Alger. Dans le Sahel, plusieurs propriétés considérables ont été défrichées, bâties, plantées, mises en bon rapport par eux. Dans la plaine de la Mitidja, de grands établissements d’agriculture ont été fondés ou se fondent en ce moment ; on n’évalue pas à moins de 1,800,000 fr. le capital déjà engagé dans ces entreprises. Un certain nombre de terres possédées encore et cultivées par des propriétaires arabes, et le territoire où végètent de petites tribus indigènes, remplissent l’espace qui se trouve entre les fermes européennes et les villages. C’est de ceux-ci que nous allons maintenant parler.

Tous les villages des environs d’Alger n’ont pas été créés de la même manière.